dimanche 30 août 2009

Les Gaspards



alias : The Down-in-the-Hole Gang
alias : The Holes
1974

Cinéaste: Pierre Tchernia
Comédiens : Gérard Depardieu - Charles Denner - Philippe Noiret - Michel Serrault - Roger Carel - Jean Carmet

Notice Imdb
Vu en dvd





Film bande-dessinée où l'imaginaire et la géniale poésie de Goscinny rejoignent la malice et le bonheur futé de Pierre Tchernia,
Philippe Noiret

les Gaspards demeura pour longtemps personnellement un film d'enfance, qui fit rêver le môme que j'estois il y a cela des siècles quand le portable et l'internet n'existaient point, du temps où Le Luron et Coluche trustaient la scène comique en association avec Giscard et Mitterrand. Une époque où la télévision fermait le rideau à minuit.

La société de consommation battait son plein, la crise ne pointait pas pleinement le bout de son nez mais ça n'allait pas tarder. C'était surtout la période où Paris se remodelait, La Défense sortait de terre et d'aucuns y voyaient matière à s'interroger sur le temps qui passe.

Cette France qui n'en finit pas de disparaître chargeait son lot de passions apeurées. Mais Goscinny et Tchernia loin d'être de vieux cons réactionnaires et agrippés au "temps jadis qui s'en va qué malheur!" carburent bien plutôt à la nostalgie souriante, heureuse, construisant leur univers à eux, en dépit du mordant goût de l'innovation à tout crin qui déborde largement parfois sur le mauvais (incarné ici par le ministre Charles Denner).


Quand le souvenir émerveillé du passé ne se nourrit pas d'aigreur mais au contraire fourbit les armes d'un humour guilleret, chafouin, un poil anar, le spectateur se met les doigts de pied en éventail.

Au cœur d'un Paris sans âge, mouvant comme un sable, flou comme une brume marine, le film prend des allures de film de plage, de vacances, de fêtes et pourtant cette nostalgie laisse un petit goût de mélancolie, sans doute cette inquiétude de Serrault à la recherche de sa fille perdue,

sans doute le regard triste de Noiret à l'heure d'abandonner son petit royaume troglodyte.

Un film cotillon de fin de bal en quelque sorte.

Mais ce qui prédomine, c'est l'essence de vie. Le plaisir règne en maître absolu. La bonne bouffe, le bon vin, la belle oeuvre des hommes, le raffinement des arts,

l'esprit communautaire aussi

et tous les autres miroirs du vivre bien sont toujours présents.

Le clochard (Daniel Ivernel) et sa petite boite à musique,

les œuvres d'art que Noiret fauche au Louvre, les petits bruits de bouche de Carmet où sa langue et ses papilles se mettent à danser quand il goutte un bon pinard avec Serrault et Depardieu, ses commentaires ravis du joli moment qu'ils partagent,


le concert improvisé du ténor joué par Roger Carel,

les petits boeufs que se font après dîner la joyeuse bande de Gaspards,

la sollicitude jamais démentie du facteur Depardieu à l'égard de "M'sieur Rondin",

tous ces petits instants festifs, de bonheur tout simple, sont les virgules du film et donnent le ton, le rythme d'un récit volontiers enfantin, espiègle et jovial. Le générique jouant sur les panneaux de signalisation avait donné le "la".

L'irrévérence un peu cachée n'est jamais loin de se révéler mordante. Charles Denner en ministre aussi ambitieux qu'extravagant se prend pour Napoléon.

Les gesticulations d'un Sarkozy plus vrai que nature finissent un peu par lasser car on a hâte de retourner sous terre, avec les Gaspards, retrouver la part de mystère que la première partie du film avait su instiller avec bonheur. Sans aller jusqu'à dire qu'elle constitue le meilleur moment du film, la quête de Serrault a quelque chose de très attirant, de l'ordre du fantasme sans doute. Plongeant en soldat de 14, dans les couloirs et les excavations silencieuses du sous-sol parisien,

on le suit avec attention, subjugué par cet inconnu sans horizon, dans son odyssée à la recherche d'explications. En parallèle, la nostalgie du vieux Paris, la marque du temps qui est passé sont très bien décrites avec les petites vignettes iconographiques et ce client dont la voix roucoulante, modulée par la douceur des regrets fait écho à celle de Noiret plus tard.

Le monde des Gaspards apparait peu à peu, un monde presque surnaturel, facile, lié au plaisir, à la paix, à la solidarité, un univers interlope qui flirte plus ou moins consciemment avec les interdits, l'anarchisme, la rébellion, l'indiscipline. D'ailleurs ne sont-ils pas catalogués comme des terroristes par ce ministre éperdu de pouvoir?

Le pouvoir politique est bien plus imposant que le pouvoir de l'individu. Celui que s'est acquis Noiret -il n'est pas loin d'être despote en son pays, tout tourne autour de sa personne et son bon plaisir- est bien faiblard face à celui du ministre. Le film ne ment pas. Réaliste quand il veut, il est clair et net : le pouvoir politique de la cité l'emporte sur l'utopie des rêveurs et des chenapans. Les rouleaux compresseurs détruisent le monde de Noiret en quelques minutes. La soldatesque armée de tracto-pelles et de pioches défile avec la fierté des vainqueurs dans l'univers des Gaspards. Alors, face à la destruction, la petite bande se retire et adapte ses ambitions à la conjoncture et aux données du moment. Toute la noblesse des rats.

Échappant à un immoralisme mauvais teint, Tchernia et Goscinny érigent un monde accueillant, leur film s'adresse au "tout public", mais avec intelligence, réflexion et humour plus ou moins potache. Un joyeux petit film qui avec l'âge prend des saveurs de plus en plus nostalgiques et goûteuses : il prend de la bouteille, devient grand.

Vivement qu'un éditeur nous sorte un dvd digne de ce nom. Celui de Studio Canal a été fait à la truelle. C'est une immonde cochonnerie!

Trombi de la mort qui tue!
Prudence Harrington

Michel Galabru

Chantal Goya

Hubert Deschamps

Annie Cordy

Bernard Lavalette

Jacques Legras

Robert Rollis et Henri Poirier

Gérard Hernandez

Jean-Claude Rémoleux

Bernard Musson

Michel Muller

Un revenant



1946
alias : A Lover's Return

Cinéaste: Christian-Jaque
Comédiens: Louis Jouvet - Gaby Morlay - François Périer - Ludmilla Tchérina - Jean Brochard - Louis Seigner
Notice Imdb




Christian-Jaque est un grand cinéaste. Je ne connaissais pas ce film et je découvre un remarquable petit film, très riche sous ses airs simples. A bien des égards, il fait penser à un film de Chabrol. Le thème est succulent à souhait, bandant même, n'ayons pas peur des mots : un homme, victime d'une tentative d'assassinat 20 ans auparavant revient à Lyon retrouver la pénible engeance qui se disait ses amis et son amante. La petite notabilité rhodanienne, cossue (cela va de soie), voit revenir le bonhomme avec une folle inquiétude. Avançant ses motivations avec parcimonie, dans le brouillard de l'hiver, il n'en devient que plus menaçant.

La diction et le physique anguleux de Louis Jouvet font le reste : le personnage est mystère.

Le suspense psychologique peut se piquer d'être jubilatoire. Les dialogues d'Henri Jeanson, d'une excellence rare, décuplent le plaisir et la joie de suivre cette histoire. Un pûr bijou de mots sertis sur des comédiens savoureux. Le jeune François Périer impressionne le plus.

Le couple Louis Seigner et Jean Brochard forme une superbe paire de salopards hypocrites. Du grand art.


Ludmilla Tchérina en ballerine dévergondée vampe le très jeune Périer. C'est fou. Elle tient bien son rôle malgré une excessive froideur que je lui trouvais déjà dans les Contes d'Hoffman de Powell.




Gaby Morlay m'a un peu déçu. Son rôle est un peu effacé, me semble-t-il.

Christian-Jaque et ses deux chefs-op Christian Matras et Louis Page filment magnifiquement les lumières noir et blanc de la capitale des Gaules. Je n'ai jamais mis les pieds dans cette ville, mais entre Tavernier et ce film-là, l'envie de remédier à cette lacune se fait de plus en plus cruellement sentir. Un bon petit film.




Quelle honte ce dvd René Château! Par moments, c'est une horreur infâme!
Mini trombi:
Marguerite Moreno :

Albert Michel :