mercredi 10 juillet 2013

Les salauds dorment en paix



1960
Alias: Warui yatsu hodo yoku nemuru
Alias: Les salauds dorment en paix
Alias: The bad sleep well

Cinéaste: Akira Kurosawa
Comédiens: Toshirô Mifune - Masayuki Mori - Kô Nishimura

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd



Akira Kurosawa devait être de mauvais poil quand il a écrit ce scénario. Voilà ce à quoi on pense en voyant le film si l'on va vite. Si l'on réduit la voilure et qu'on prête une légère attention au générique, on aura lu qu'ils s'y sont mis à plusieurs. Œuvre collective, colère plurielle donc, mais le sentiment général est bel et bien là : le film est à charge.

Ils utilisent l'actualité politique de ce pays en train de se libéraliser, avec son cortège de scandales financiers et de corruption, pour raconter une histoire très shakespearienne (on songe évidemment à Hamlet), de vengeance, d'honneur, etc.

Kurosawa aborde ces sujets par le biais du film noir, le genre collant parfaitement à la thématique du cynisme politique. C'était déjà le cas avec Shakespeare et la notion de pouvoir amoral, éloigné des liens traditionnels. Ici s'y ajoutent l'appareil d’État, la bande organisée des hauts fonctionnaires, mais le cynisme y est toujours maitre de cérémonie.

Le sujet se prêterait facilement à la grandiloquence. Kurosawa adopte au contraire un ton volontiers naturaliste, parfois très réaliste également, à d'autres moments romantique en y ajoutant un dilemme cette fois cornélien. Et quelques fois, ses personnages prennent des figures caricaturales, presque grotesques, comme ces masques déformés horrifiques du théâtre japonais, comme si les "salauds" en question étaient des monstres dont l'inhumanité était à ce point hideuse qu'elle les rejetait hors du monde, dans un univers parallèle, onirique, à part, celui des cauchemars, celui de la farce qui tourne mal. Du coup, cela donne au film une multitude de teintes, un film plus dense, plus complexe.

Comme Akira Kurosawa est un génie de l'invention filmique, il parsème son film de scènes d'une grande beauté lyrique, ou bien propose des cadrages remarquablement parlants, offrant des significations doubles, symboliques, approfondissant encore si c'est possible la lecture que l'on en fait. Cette richesse perpétuelle n'est pas une nouveauté. Kurosawa proposait toujours quelque chose d'étonnant. Sa mise en scène est d'une fluidité, d'une évidence qu'on croirait tellement simple de prime abord et qui, bien entendu, révèle une incroyable maitrise de son art, de sa narration, de son cadre et de ses acteurs. C'est tellement bien pensé, joué et filmé qu'on ne peut qu'être admiratif.

Et pourtant, ce n'est sans doute pas l'un de mes Kurosawa préférés, mais je suis sûr que je le reverrai avec plaisir et que de cette future relecture naitra une vision plus complète, fixant sans doute avec plus d'efficacité ce qui m'a sûrement échappé cette fois-ci.

S'il est un élément que je capte en premier lieu, c'est bien le jeu des acteurs. Et avec Toshirô Mifune,
comme on a affaire à un des meilleurs acteurs du cinéma mondial, il est très facile de prendre un plaisir fou à le voir évoluer. La simplicité de son jeu n'a d'égale que la précision de ses expressions.
Il est cette fois entouré de gueules phénoménales, sensées figurer les monstres de cynisme ou de veulerie.


Certains comme Masayuki Mori (qui a fait un énorme travail dans le grimage et les mimiques) sont à la limite de l’expressionnisme "cartoon".

Kô Nishimura a un rôle compliqué à jouer de simplet qui finit par devenir fou. A un certain moment, son visage halluciné est prêt de placer le film sur une échelle proche du fantastique, presque de l'épouvante. Gros travail physique et entendu visuel.

On ne doit pas oublier la maitrise technique et artistique du noir & blanc de la part de Yuzuru Aizawa. Le directeur photographique rappelle sans cesse au spectateur qu'il est devant un film de genre, un film noir pur jus, dont la beauté formelle est un des garants de qualité pour la narration.

Je préfère peut-être "Chien enragé" et "Entre le ciel et l'enfer", deux autres films noirs importants du maître, cependant ce film prouve à bien des égards qu'il est très abouti, riche de sens et je le reverrai sûrement pour mieux l'apprivoiser.

Trombi:
Kyôko Kagawa: (droite)
Tatsuya Mihashi: (droite)

Takashi Shimura: (centre)
Kamatari Fujiwara:

Gen Shimizu:

Kyû Sazanka (gauche)? et Senshô Matsumoto (droite)???

Natsuko Kahara?

Kunie Tanaka:

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire