jeudi 31 août 2017

Piranese, la planète prison



2002

Titre original : Piranese
Autre titre: La planète prison

Auteur: Milo Manara
Dessinateur: Milo Manara
Coloriste: Sophie Dumas

Editeur: Albin Michel

ISBN: 2-226-13236-8

Notice SC
Notice Bédéthèque


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Oh un Manara que j'avais oublié, comme c’est rafraîchissant ! Le bon Milo Manara s'essaie à la science-fiction avec un récit fantastique dans un monde imaginaire de soap-opéra, presque.

Il se calque sur un thème relativement connu dans le genre : la planète prison. Ce sujet est prometteur : l'absence de loi ou au contraire ses excès, la violence toujours et le trouble social, moral, voire politique peuvent donner de la bonne matière au récit.

Pourtant, peu à peu, je suis gêné, malgré le joli travail de colorisation, comme en aquarelle, qui donne un rendu attirant à la fois beau et intrigant, car peu habituel, malgré le toujours sublime dessin de Manara.

Je ne dirais jamais assez combien les héroïnes botticelliennes de Manara sont séduisantes, fantasmagoriques, irréelles. Ici le dessin n'est pas vraiment érotique et c'est davantage l'imagination de Manara qui est sollicitée.

Et c'est là où je voulais en venir, là où le bât blesse : en dépit de tous ses atours, de ses quelques bonnes idées scénaristiques, cet univers manque de folie, d'imagination (de Jodorowski par exemple ?) et si l’on suit le récit avec attention et facilité, on n'est pas non plus emballé. C'est comme si on attendait une étincelle qui ne vient jamais allumer le feu. Le récit n'est pas trop mal foutu, il a un bon tempo, une dynamique correcte, mais il souffre de son manque d'originalité.

On ne s'ennuie pas, on ne chavire pas : un joli Manara mais assez plat en somme.

El Gaucho



1995

Titre francophone: El Gaucho

Auteur: Hugo Pratt
Dessinateur: Milo Manara

Editeur: Casterman

ISBN: 2-203-33458-4

Notice Bédéthèque
Notice Sens Critique

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Visuellement, El Gaucho est sublime. Une des plus belles bédés que j'ai jamais lues.

Extrêmement riches de détails, le dessin de Milo Manara devient dentelle à de très nombreuses reprises au cours de la lecture. Le plaisir que procure ce foisonnement est incommensurable : la sûreté de son trait, l'harmonie qui se dégage de l'ensemble de ses planches sont magiques.

Cela produit un album incroyable de beauté, tout à la fois poétique, âpre, sauvage, plein de puissance.

Le sujet s'y prête évidemment. À ce propos, le scénario est de prime abord touffu avec de nombreux dialogues ou monologues entre officiers anglais expliquant la situation politique à Buenos Aires, ce qui en soit n'est pas de plus éclairant. Manara reste un peu attaché à ces détails ; cet appesantissement alourdit un peu la lecture.

Mais très vite, l'action reprend le dessus. Et l'histoire du coup insuffle du mouvement. La dynamique est merveilleusement mise en forme par le dessin aussi sensuel que brutal. La fougue rivalise avec cette incapacité de sortir du chaos pour caractériser les personnages.

Ballottés par l’Histoire, ils sont les jouets de leurs violences, de leurs amours, de leurs désirs, de leurs espoirs et surtout du sort qui se joue de la justice, de la morale et des illusions humaines. Le récit est épique, salé, salaud, parfois sale, mais toujours dans le fracas. Et ça aussi c’est fort agréable à la lecture.

Cette grande fresque donne un très bel album. À la beauté que l’on connaît des femmes de Milo Manara s'ajoutent celle des paysages, celle des reconstitutions historiques, les navires, la vie des marins, les colonies, l'horreur des batailles, la nature sauvage, tout cela magnifié par ce trait méticuleux, d’une telle finesse qu'on se demande pourquoi Manara n’a pas réussi à mettre autant de soin sur tous ses albums. El Gaucho recèle quelques cases merveilleuses.

C’est un objet superbe, un miracle, un album incontournable que tout bédéphile devrait posséder pour s’y plonger de temps à autre et s’y délecter.

lundi 14 août 2017

Capitaine Steene



1987

Titre original : Capitaine Steene
Autre titre: Théodore Poussin, tome 1

Auteur: Frank Le Gall
Dessinateur: Frank Le Gall

Editeur: Dupuis
2-8001-1477-0

Notice SC
Notice Bédéthèque

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J'ai lu ce premier tome il y a très longtemps. J'avais été attiré par la couverture, le style du dessin qui rappelle assez nettement la ligne claire, ce visage rond de Poussin qui évoque un peu celui de Tintin, et puis le thème, l'exotisme prometteur… et je ne sais pourquoi, j'avais été déçu, du moins pas suffisamment convaincu pour essayer le deuxième tome.

Aujourd'hui, je pense que tout ce qui m'avait attiré était du plus vilain effet, en trompe l'œil. Théodore Poussin n’a que peu à voir avec Tintin. C’est une œuvre plus poétique, marquée par une étrange mélancolie. Il ne s'agit pas d'une aventure classique. On voit bien dès lecture de ce premier tome que cette bédé a pour vocation de nous rendre témoin d’une succession d'événements plus ou moins tragiques, d’un parcours intime dans un passé complexe. Pas sûr que le récit réussisse véritablement à surprendre, mais peu importe au fond. Le périple est assez fascinant.

Le dessin davantage rond que acéré se permet par moments d'être un brin agressif. De là peut-être le lecteur n'est-il jamais sûr de ce qu'il va lire, une incertitude salutaire par sa vivifiante excitation ?

Mais difficile pour le lecteur plus averti que je suis par la force des choses (et du temps en particulier) de rester insensible à la beauté de certaines cases. Certes, il y a bien un lignage avec l'école franco-belge, mais le trait prend des libertés, quelques hachures par exemple et une certaine noirceur donnent encore d’autres saveurs. Sans doute que ce Théodore Poussin est plus facilement accessible aux adultes?

Quoiqu'il en soit, j'ai été conquis. Le récit est bien mené, prenant son temps comme je l'aime, contemplatif.

Bavard aussi avec des dialogues qui ne pèsent pas. Au contraire, ils enrichissent l'expérience de lecture.

Sur la forme, le contrat est d'ores et déjà rempli. Sur le fond, cette histoire ne fait que s'ouvrir. Elle promet. La fin peut provoquer une petite frustration, se terminant en point d'interrogation, un désir inassouvi. Je n'ai pas encore le deuxième tome. Il va falloir que j’y remédie au plus tôt.