mercredi 22 novembre 2017

Cause toujours... tu m'intéresses!



1979

Titre original : Cause toujours... tu m'intéresses!

Cinéaste: Edouard Molinaro
Comédiens: Annie Girardot - Jean-Pierre Marielle

Notice SC
Notice Imdb

Vu en streaming

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J’avais presque complètement oblitéré ce film de ma mémoire. Je l’ai vu je crois à plusieurs reprises à la télé quand j’étais môme. A l’époque, ce genre de film était multidiffusé. Annie Girardot était une star, qui représentait la femme moderne des années 70/80. Aujourd’hui, ce film est un peu oublié et c’est bien dommage. J’ai dû le voir si souvent qu’au fur et à mesure de toute cette revoyure, le plaisir a été immense à retrouver ces scènes, ainsi que le talent d’écriture de Francis Veber et surtout l’excellence de l’interprétation.

D’entrée, le générique annonce la couleur : le très haut niveau, plein de promesses. Le nom de Vladimir Cosma  est celle d’une musique singulière a priori. Le compositeur a signé des œuvres maîtresses qui enchantent encore ses admirateurs. Mais, je veux confesser de suite que sur ce film, l’empreinte sonore du maestro ne se fait pas sentir autant qu’on pourrait l’espérer d’un tel artiste. C’est peut-être le bémol le plus important que j’avais à souligner.

Le générique m’apprend que le scénario est signé Francis Veber : impossible que le film soit mauvais à première vue. J’ai beau chercher, je ne trouve pas un film fondamentalement raté à l’écriture de la part de Veber. Bien entendu, certains sont peut-être pas aussi bons que d’autres, mais des films complètement loupés par Veber, ça n’existe pas. De fait, Cause toujours tu m’intéresses n’est pas un mauvais film, pas le meilleur de Veber, certes, mais surtout pas un mauvais.

Examinons ce scénario. Sur le plan du rythme, je lui trouve un bel équilibre d’ensemble. Fluidité exquise. La voix-off (outil narratif ô combien périlleux) de Jean-Pierre Marielle aurait pu poser problème, or, elle est utilisée ici avec parcimonie, à bon escient. L’histoire se déroule avec aisance et assez de percussion.

La comédie n’est pas poilante, qu’on soit d’accord là dessus, mais il convient d’avantage de la considérer comme une délicate comédie au sens classique, celui du film pour rire grâce aux portes ou aux dialogues qui claquent. Cause toujours... fait sourire grâce à la situation et aux relations que nouent les personnages. On pourrait résumer par l’expression “comédie sentimentale”. Avec cette histoire de quadras célibataires en quête de partenaire grâce à une sorte de correspondance à distance et à l’aveugle, on est plus proche de la comédie lubitschienne : on songe à The shop around the corner, hé, bien obligé! L’objectif du film n’est pas d’être désopilant, mais de proposer, à partir d’un sujet de société, un regard tendre et léger, un spectacle agréable. Et sur ce point, le scénario de Francis Veber me parait plutôt bien ficelé. Oh, je serais éventuellement un poil réservé sur le dénouement, le personnage de Marielle ayant bâti son entreprise de séduire Girardot sur un mensonge, on doute que cela puisse raisonnablement se finir aussi simplement.

Mais dans l’ensemble, il y a là un film au récit bien tenu, avec pas mal de force chez les personnages, ainsi que des à-côtés comiques et touchants. Par exemple, l’apport du personnage du voisin sénégalais joué par Umban U'kset

est très important et offre un miroir comique indispensable pour Marielle. De même, celui de Jacques François

est tout aussi nécessaire pour Girardot. Les deux comédiens jouent de manière sobre, très correcte et directe, incarnant la stabilité dont les deux héros principaux ont tant besoin pour ne pas tomber complètement dans le chaos.


De tous petits rôles viennent ici et là colorer leur quotidien morose. Je pense à Michel Blanc

en policier strict et qui est vraiment très drôle. J’ai beaucoup aimé Jean-Claude Martin

dans un rôle de Droopy suicidaire assez irrésistible.

Mais bien entendu, les deux têtes d’affiche font l’assise du film en interprétant leur partition de façon magnifique, avec une justesse extrême. Jean-Pierre Marielle

trouve là un de ses meilleurs rôles, peut-être pas aussi spectaculaire que ceux des Galettes de Pont-Aven ou de Que la fête commence, mais il est sûrement tout aussi croustillant que dans celui de La valise par exemple. Son personnage est plein de tendresse, de délicatesse, paumé dans un costume trop grand pour lui et que son mensonge le force à porter. Émouvant. J’adore cet acteur et ce rôle en particulier est vraiment attachant.


Quant à Annie Girardot,

que dire? Une des plus grandes actrices françaises, pas de doute possible. Je l’admire sans aucune restriction. Une grande classe. Et dans cette période à cheval sur les années 70 et 80, son âge d’or, elle était plus qu’une actrice, elle portait par sa filmographie quelque chose de bien plus grand qu’elle, une image de femme française, une idée de modernité qui a certainement compté pour un très grand nombre de spectatrices et qui explique son immense notoriété, l’affection que lui vouait le public. Et dans ce film en particulier, elle est vraiment au sommet de son art, dans la comédie, la tristesse, dans sa capacité à composer une femme à la fois fragile et courageuse, pragmatique et rêveuse, pleine d’espoir puis navrée par ses désillusions, elle module l’expression d’émotions diverses et contradictoires, sans jamais tomber dans l’excès. Un personnage fouillé, dense qu’elle construit avec une puissance de jeu phénoménal : j’adore!

Pas étonnant que le film ait été largement multidiffusé, plébiscité par le public, les deux comédiens déchirant leurs mémés. Ah si, j’ose! Le maître mot de leur performance est “justesse”. Il n’y a pas une scorie, pas d’excès, d’absence, ils font juste ce qu’il faut quand il faut et touchent au cœur. Dans le mille. C’est un travail d’acteur époustouflant. J’adore le cinéma et rien que ça, ce jeu précis, impeccable, pour cette efficacité, j’aime ces moments privilégiés que nous offre cet art.

Trombi:
Brigitte Roüan:

Hilda tome 1



2000

Titre original : Hilda

Tome 1

Auteur: Hanz Kovacq
Dessinateur: Hanz Kovacq

Editeur: IPM / Editions Rebecca Rils

Notice SC
Notice Bédéthèque

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J’ai dit mon enthousiasme à découvrir la folie et le dessin opulent, grotesquement violent de Hanz Kovacq sur son premier tome de Diane de Grand-Lieu. J’ai dit aussitôt combien cette déraison risquait d’être lassante à force d’outrance.

Hilda, ce premier tome d’une autre série de Kovacq me fait le même effet. Je sais que je ne pourrais pas lire l’intégralité sans ressentir une lassitude devant le trop plein, l’exubérance des effets dramatiques et la pornographie de l’histoire.

Mais heureusement que l’auteur a orienté cette surenchère de violence et de sexe vers une tonalité franchement humoristique. Si le lecteur prend cette bédé au premier degré, il vivra une expérience insoutenable tant le récit et les personnages sont monstrueux.

Dans Diane de Grand-Lieu cela représentait un danger davantage potentiel que sur Hilda dont l’histoire prend une tournure fantastique et horrifique presque régressive, que le contexte historique n’adoucit pas vraiment. Par conséquent, Hilda est encore plus ouvertement une aventure foutraque où la farce, l’énormité l’emportent sur le réalisme.


Le trait voluptueux de Kovacq est toujours aussi chaleureux et contribue à déréaliser l’horreur. Non que cela adoucisse le récit ultra violent, mais cela permet de mieux identifier l’aspect comique, farceur de l’histoire. On ne peut raisonnablement pas prendre cette histoire au sérieux et le dessin, bien que très joli, voire esthétisant, participe à la dédramatisation et c’est heureux. La beauté des formes, la texture ouatée, graineuse des matières me semblent singulièrement maîtrisées et expliquent sans doute l’attrait formel, premier qui attire l’oeil.

S’il n’y avait le graphisme de Kovacq, je ne suis pas sûr que j’aurais envie de voir la suite. Je confesse que l’aspect très forcé, très cumulatif, même s’il invite à rire au final, pourrait être fatigant, un brin monotone à la longue. Or, le dessin rend tout cela digeste.

Collection à suivre avec des pincettes donc.

mardi 21 novembre 2017

La poursuite infernale



1946

Titre original : My darling Clementine
Titre aussi con que francophone: La poursuite infernale

Cinéaste: John Ford
Comédiens: Henry Fonda Victor Mature - Walter Brennan

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd

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Ancienne critique : 

Si Ford nous offre encore et encore des plans à couper le souffle, cette beauté formelle ne parvient pourtant pas à me faire dépasser ce stade contemplatif.


Il y a bien quelques éléments de belles émotions, comme la relation perdue entre Chihuahua et Doc Holliday, celle plus tendre et chaste entre Wyatt Earp et Clementine. A ce propos Victor Mature est parfait dans son rôle.

La froideur toute relative de Fonda ne me semble pas être en cause, il y a quelque chose d'extrêmement touchant, de non dit, dans son personnage, en parfait accord avec son jeu plein de retenue. Une progression bien maîtrisée. J'ai envie de dire qu'il tombe admirablement bien amoureux, sur le pas du film, avec tranquillité. Pour moi la scène la plus remarquable sur le plan émotionnel reste finalement la lente promenade avec Clementine à son bras, vers le bal. Un joli moment de magie.


Le manque d'émotions, paradoxalement, me parait venir plutôt non pas des comédiens, mais de l'histoire. A part ce progressif autant qu'inattendu abandon à l'amour (voir les frères découvrir Wyatt est aussi drôle qu'attendrissant) de Wyatt Earp et le destin tragique du couple Holliday/Chihuahua qui a des allures d'amants mythologiques, le reste laisse un peu sur sa faim. Le thème de la vengeance ne m'a pas titillé le bulbe, l'aspect nettoyage moral cher à Ford n'a pas l'emprise qu'on lui trouve dans L'homme qui tua Liberty Valance. Du moins c'est un sentiment tout personnel bien entendu.


Du reste, les deux éléments émotionnels que j'ai retenu devraient amplement suffire. Et pourtant, j'ai comme l'envie folle d'en avoir plus.


Reste que malgré tous ces points positifs, je reste sur ma faim. L'histoire est loin de m'emporter. Les personnages ne sont pas si attachants. Ya comme un goût de rendez-vous manqué.John Ford est toujours aussi épatant, sa mise en image est exceptionnelle de justesse, le cadre embrasse littéralement les scènes, les décors sont superbement mis en valeur, y a pas à dire ce cinéaste est génial, mais le film ma laisse presque froid pourtant. Un des moins émouvants Ford que j'ai vu.





Nouvelle et complètement différente critique : 

Cela faisait belle lurette que je n’avais pas vu un film de John Ford. J’ai faim de vieux films en ce moment, de classiques, de revenir aux fondamentaux.

C’est chose faite avec ce sublime western. Sublime par son traitement, cette mise en scène et en image est parfaite. Il y a quelques plans à tomber, des intérieurs noirs de saloons où les bars brillent dans la nuit comme des rivières tranquilles, et puis des extérieurs monumentaux de valleys où la nature humilie l’homme comme souvent dans les grands westerns en général, et chez Ford ou chez Mann en particulier.

Les thèmes sont délicieusement profonds : justice, famille, amour. Tutélaires aussi, ces sujets placent le film dans le sillon des tragédies classiques, fouillent l’âme. Le regard que jette Henry Fonda sur la délicate éconduite Cathy Dows est beau comme un coucher de soleil.

Souvent les héros fordiens sont aux prises avec la plus animale des bêtises humaines. Cette dernière est ici incarnée par un incroyable Walter Brennan.
Habituellement dévolu à des rôles de sympathiques petits vieux, le voilà affublé d’un personnage de fieffé salopard, cadenassé dans un monde étriqué, où la cellule familiale semble le seul cadre de vie et dont la violence et la cupidité manifestent la médiocrité avec plus de force. L’acteur impressionne. Avec Henry Fonda, ils sont à n’en pas douter les deux comédiens qui sortent du lot.

J’aime bien Victor Mature,
son regard stallonien (bovin) aide beaucoup à croire en son personnage buté, paralysé par la mort de plus en plus proche et l’impossibilité d’aimer en conséquence. L’acteur est remarquable, certes, je n’en disconviens pas, mais il ne m’émeut pas outre mesure, ni ne suscite en moi une réflexion particulière.

Chez les femmes, c’est encore moins excitant, avec deux rôles toujours très dépendants des hommes. Leur part de liberté existe mais ne leur permet pas d’envisager un au-delà des hommes. Seul l’amour d’un homme reste en indépassable repère, une liberté trop limitée en total accord avec le contexte historique du western évidemment, mais moins tellement peu passionnant.

La “vis tragica” de la mise en scène et de la direction de jeu n’est pas l’unique atout du film, bien entendu. En évoquant la tragédie classique, je voulais en effet traduire la richesse thématique de cette histoire. Ce que subissent les personnages, leur capacité à survivre à leurs émotions rend le film touchant il est vrai, mais surtout en fait un moteur puissant de réflexion quasi métaphysique sur le sens de la vie, la continuité, l’élan de vie, la relation aux autres, sujets éminemment fordiens qui reviennent hanter les personnages dans ses films et en font le jus, l’essence même.

Et My darling Clementine en est l’une des plus nettes illustrations. Aussi, voir et revoir ce film restera toujours une expérience cinématographique de premier plan.

Trombi:
Henry Fonda:

Linda Darnell:

Don Garner:

Tim Holt:

Ward Bond:

Cathy Downs:

Alan Mowbray:

John Ireland et Fred Libby :

Grant Withers:

J. Farrell MacDonald:

Russell Simpson (centre):

Francis Ford:

Ben Hall:

Louis Mercier(right droite);

Earle Foxe:

?: