mardi 11 décembre 2018

Première sortie



1999

Titre original : Blast from the past
Titre francophone : Première sortie

Cinéaste:
Comédiens : Brendan Fraser - Alicia Silverstone - Sissy Spacek - Christopher Walken

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd

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Première sortie est une gentillette comédie qui ne repose que sur une idée centrale un brin légère, celle d’une famille isolée du monde, ayant cru que la planète s’était embrasée dans un conflit nucléaire. Ils sortent de leur abri atomique au bout d’une trentaine d’années. L’idée simple mais tout de même assez casse-gueule, se révèle comme on pouvait le craindre assez naïve.

Pourtant, grâce aux acteurs, le film n’est pas non plus dénué de charme. On sent surtout chez les auteurs une certaine nostalgie des années 50. D’aucuns pourraient fustiger le regard un brin caricatural de la modernité et que le hiatus entre les deux périodes est un poil exagéré, que le scénario manque de finesse. Ce n’est pas faux, mais la comédie se nourrit me semble-t-il ici de caricatures. Les personnages sont particulièrement typés, certes.

Toutefois, au delà de ces stéréotypes, les acteurs parviennent à donner à leurs petits défauts une part de poésie et de comique plus sombre. Par exemple, la façon dont les parents hyper angoissés, ancrés dans des certitudes absurdes font presque pitié quand ils se rendent compte de l’horreur absolue, celle d’avoir passé 30 ans de leur vie dans leur abri pour rien. La prestation un brin halluciné de Christopher Walken

 vaut le détour. Mais c’est la désespérée housewife Sissy Spacek qui m’a touché le plus.

J’avoue que j’aime bien la prestation de Brendan Fraser

 dans un rôle particulièrement compliqué de grand échalas naïf et ringard. Pas sûr que son personnage existat réellement dans les années 50.

C’est là que l’on songe le plus à la maladresse de ce scénario, mais en fait cette sur-exploitation de l’iconographie des années 50 et de l’idéologie qui en résulte, montre bien par contraste l’absurdité de la mythification des années 50, des Trente glorieuses, du “c’était mieux avant”. Bien entendu que les années 50 étaient beaucoup plus complexes et ne se limitaient pas à la peur de guerre atomique.

Quoiqu’il en soit, ce petit film illustre bien toutes ces contradictions. Néanmoins, il ne faut pas non plus en gonfler la valeur : il amuse plus qu’il n’apporte une grande réflexion.
Trombi:
Alicia Silverstone:
Dave Foley:
Joey Slotnick:
Don Yesso:
Todd Susman:
Nathan Fillion:
Carmen More:
Deborah Kellner:
Jenifer Lewis:

Le grand bain



2018

Titre original : Le grand bain
Titre anglophone : Sink or swim

Cinéaste: Gilles Lellouche
Comédiens : Mathieu Amalric - Guillaume Canet - Benoît Poelvoorde - Jean-Hugues Anglade - Virginie Efira - Leïla Bekhti - Marina Foïs - Philippe Katerine - Claire Nadeau

Notice SC
Notice Imdb

Vu en salle

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Drôle de petit film. Il me semble que c’est le premier film de Gilles Lellouche derrière la caméra ; et ça se voit un chouïa. Il couine aux entournures. Quelques grosses ficelles pendouillent ici et là.
Mathieu Amalric et Marina Foïs
Le scénario ne fait pas preuve d’une grande subtilité. Parfois il s’autorise des libertés avec le réalisme qui peuvent heurter la lecture, vous sortir littéralement du récit tellement elles sont osées. Notamment, ce final très grossier qui souligne l’heureuse conclusion pour tous les personnages, un à un, forcée, systématique dans des proportions qui frisent le ridicule. De même, l’exposition du cas de chaque personnage en première partie est légèrement laborieuse et donc fastidieuse pour le spectateur.

De fait, le film démarre très doucement, trop doucement. Néanmoins, au final, on aura pu profiter du jeu réjouissant de nombreux comédiens, de quelques scènes assez plaisantes, pleines de percussion. Brinquebalant, le film finit par tout de même procurer du plaisir, celui d’une bonne petite comédie sympathique, pas trop bête, qui sait par petites touches magnifier l’humanité des personnages.

Certes, on aurait aimé pour certains personnages moins de caricature. Benoît Poelvoorde, Virginie Efira pour exemples se coltinent des rôles passablement lourdaux, mais quelques autres relèvent, comme de bons épices, la saveur du film.

Je pense d’abord, avec une très nette évidence, à Philippe Katerine, exceptionnel de drôlerie, tendre et loufoque à la fois dans un personnage qui lui va comme un gant. Il offre un personnage tellement attachant et dont la vis comica repose sur le décalage permanent et une poésie enivrante.
Leïla Bekhti et Philippe Katerine
Jean-Hugues Anglade a priori a un rôle cliché lui aussi, mais il parvient à lui donner une épaisseur. Son jeu très naturel, très simple est d’une efficacité désarmante.

Je pourrais dire la même chose de Guillaume Canet, un comédien qui ne m’inspire pas grand chose le plupart du temps et qui m’a bluffé dans ce film. Très sûr, il parvient à rendre sympathique un personnage à la violence débordante, mal contenue. Il ne verse jamais dans le caricature justement. L’équilibre reste parfait.

Finalement, cette histoire un peu convenue qui ressemble à tant d’autres films de groupe (se resserrant sur un objectif commun pour que chaque membre paumé se retrouve individuellement), cette histoire réussit à se singulariser, à se distinguer grâce à quelques personnages bien dessinés, justes. La générosité du scénario finit tant bien que mal pour irriguer tout le film et à se communiquer auprès du public.

La comète de Carthage



1986

Titre original: La comète de Carthage
Alias : Freddy Lombard, tome 3

Auteurs: Yves Chaland - Yann
Dessinateur: Yves Chaland

Editeur: Les Humanoïdes associés

Notice Bédéthèque
Notice SC

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Ah l’univers onirique à nulle autre pareille d’Yves Chaland ! C’est toute ma fin d’adolescence ! Il est sans doute un de ces chaînons, non manquants mais très marquants, qui relient ma culture bédé d’enfance, l’école belge d’Hergé, de Franquin et une autre plus adulte de l’Echo des savanes notamment. Il doit sûrement se trouver dans un entre-deux.

Il a gardé quelques caractéristiques de style traditionnel, une ligne encore claire. Son dessin baigne dans une France des Trente Glorieuses dont il garde quelques codes.

Bien sûr, le récit part volontiers dans des directions surprenantes qui n’ont que peu à voir avec la bédé de papa, ce que nous rappelle très souvent au cours de la lecture l’excentricité des bédés d’Yves Chaland.

A l’évocation de ce grand nom de la bédé française, tout de go, le terme “surprise” clignote dans ma tête. Il en est l’une des illustrations artistiques les plus manifestes. Ses nombreuses ellipses, ainsi que les tournures souvent très bizarres que prennent les dialogues sont tellement étranges qu’elles peuvent heurter la lecture. Quelquefois l’on est obligé de s’arrêter pour relire tellement le récit déroute. Et ô miracle, on en est heureux : on suit un fil surprenant, parfois décontenancé, mais l’on n’en est pas non plus meurtri. Au contraire, l’attention maintenue aux aguets, on espère encore quelque croche-patte, du moins des aspérités. Jamais l’on est assoupi sur un récit ordinaire, bien qu’il veuille s’en donner l’air.

L’histoire alambiquée à souhait offre de très beaux moments d’une poésie rare en bédé. Mais on profite également de la grâce naturelle aussi bien que d’une violence des sentiments, de la passion, ce qui pourrait sembler classique a priori, mais qui au final ne ressemble à rien d’autre que l’univers fantasmagorique d’Yves Chaland : tanguant perpétuellement entre réalisme et tradition d’un côté, subversion et lyrisme poétique de l’autre, dans un va-et-vient inconfortable mais salutaire. A la toute fin de l’album, quand on a fini de recoller tous les morceaux, on est saisi par la maestria du scénario.

Et puis restent en mémoire quelques images, superbes, des cadrages, des couleurs, ce trait saillant, acéré, vif, mordant et tellement élégant, tellement eighties en fait.

J’adore Chaland également pour son humour, même s’il n’est pas essentiel ici. Il permet lui aussi d’échapper à une routine éventuelle. Il est souvent tranchant. Surtout, à d’autres moments, il est presque enfantin cet humour. Lui aussi il détonne.

Au final, on ne peut guère s’appuyer sur quelque chose de tangible, d’un tant soit peu rassurant : la surprise est partout, elle surgit, explose. Mais cela ne se fait jamais au détriment de l’histoire, ni de l’atmosphère générale.

Au contraire, La comète de Carthage paraît se nourrir de toutes ces incertitudes qui planent sur les personnages. Une ambiance poisseuse s’installe progressivement. Un danger mal défini, une violence sourde : tout commande à créer un mystère permanent et fascinant.

J’aime beaucoup Yves Chaland quand il se focalise sur un humour potache et léger, comme dans “Adolphus Claar” mais je l’aime tout autant quand il s’essaie sur des tons plus lugubres, avec un récit qui danse sur une tragédie tout proche d’éclater avec La comète de Carthage.

samedi 8 décembre 2018

Le guépard



1963

Titre original : Il gattopardo
Titre francophone : Le guépard
Titre anglophone : The leopard

Cinéaste : Luchino Visconti
Comédiens : Burt Lancaster - Alain Delon - Claudia Cardinale

Notice SC
Notice Imdb

Vu en salle

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La première fois que j’ai vu ce film, je devais avoir 12 ou  13 ans. J’étais complètement passé à côté, évidemment. Ce film parle avec force mais avec également beaucoup de finesse et d’élégance d’une souffrance qui échappe complètement à l’esprit et au cœur d’un gamin de 13 ans, celle du temps qui a d’ores et déjà passé, celle de voir son monde s’éteindre doucement mais sûrement.

Le guépard, Don Salina (Burt Lancaster), est témoin d’une époque en transition . Son univers ne se lézarde plus : il s’écroule. Il parvient à en maintenir quelques aspects en acceptant les inéluctables changements (“Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change”). La sublime langue de Giuseppe Tomasi di Lampedusa accompagne de bien belles scènes déclarant l’amour pour la Sicile, mais également la désillusion du personnage de Don Salina devant le cynisme ou la bêtise, à tout le moins la naïveté des plus idéalistes ainsi que des plus hypocrites face à une situation politique nouvelle et complexe à appréhender.

Le scénario (de Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Enrico Medioli, Enrico Medioli et de Luchino Visconti) garde parfois intactes de nombreuses répliques que l’on trouve dans le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa. “Ah! L'amour! Du feu, des flammes pour un an, de la cendre pour trente!” “Ils viennent nous apprendre les bonnes manières mais ils ne pourront pas le faire, parce que nous sommes des dieux. Les Siciliens ne voudront jamais être meilleurs pour la simple raison qu'ils se croient parfaits : leur vanité est plus forte que leur misère.” “Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les petits chacals, les hyènes et tous ensemble, Guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre.”

À la beauté du style littéraire, très poétique et lyrique du scénario répond celle des images. Luchino Visconti met un soin très amoureux à élaborer de véritables tableaux de maître. Certains plans sont irrésistibles. Couleurs, mouvements, cadrages forment un tout par moments virevoltant, très souvent contemplatif. La mise en images rend admirablement hommage à la Sicile, ses lumières, ses ocres paysages, l’antiquité de ses villages, la sensualité qui s’en dégage comme son aridité.

Film poème, film peinture, film histoire, film nostalgie, film existentiel, Le guépard est porté également par de très bons comédiens.

Burt Lancaster

est immense. Sa stature, l’intelligence de son jeu tout en subtilité servent la noblesse d’âme de son personnage. Il impressionne. Sans doute que ce rôle a rencontré cet homme, cet acteur au bon moment. L’incarnation est parfaite.

J’ai envie d’évoquer un rôle secondaire, celui du Père Pirrone (Romolo Valli)

en confident confesseur, ami. Le comédien joue très bien. Il a quelques scènes remarquables pour bien comprendre le fossé entre les classes sociales mais en illustrant aussi liens indéfectibles inhérents.

Autre acteur étonnant, Paolo Stoppa

joue avec beaucoup de maîtrise l’arriviste Don Calogero Sedara, d’une vulgarité sans nom, qui a toute sa vie travaillé à atteindre des sommets dont il est bien en peine d’entendre les nuances. À la fois abjecte par sa bassesse, sa rusticité, surtout sa propension mielleuse à feindre, avec une grande obséquiosité face aux puissants pour essayer d’atteindre leur niveau d’élégance, le pauvre déborde de son pantalon. Le grotesque, le déplacé, l’inapproprié laissent apparaître sans même qu’il s’en rende compte la réalité de sa basse extraction dans des moments qui lui échappent naturellement, lorsqu’il est tout à son bonheur d’être parmi les grands aristocrates qu’il idolâtre. L’acteur joue tellement bien de ces ambiguïtés, cette hypocrisie et le ridicule pathétique qui en découle.

Parmi les jeunes de la distribution, Alain Delon et Claudia Cardinale jouent bien la classe du futur, la génération qui construit l’avenir, les nouveaux guépards, une partie encore pure. Angelica (Claudia Cardinale)

est très complexe à apprivoiser, plus cynique peut-être que Tancrède (Alain Delon), plus naïf, maîtrisant davantage sa carrière politique que ses sentiments encore fragiles. Leur caractéristique essentielle est la jeunesse qu’ils incarnent évidemment à merveille, en aiguillon et miroir pour Don Salina. Ils évoquent sa propre jeunesse, tout son propre parcours, ses élans de vie passée.

Le vieux bonhomme va encore au bordel, s’émeut devant la beauté rayonnante d’Angelica, peut s’emporter à l’occasion, tempêter, mais le temps le rattrape de plus en plus souvent : un malaise comme un mauvais présage, une santé défaillante, déjà, lui rappellent que son tour est passé.

Le guépard est un film superbe en majuscules. On ne peut mieux trouver que ce vocable « superbe » pour résumer la flamboyance, l’éclat et la magnificence de ce film, ses thèmes, ses héros déchirants, cette immuabilité du temps.
Mini trombi:
Rina Morelli:
Terence Hill et Lucilla Morlacchi:
Serge Reggiani: